Monsieur Claude Meisch
Ministre de l’Education nationale,
de l’Enfance et de la Jeunesse
L-2926 Luxembourg
Lettre ouverte Luxembourg, le 18 mai 2020
Objet: scolarisation des enfants à besoins spécifiques – phase d’adaptation nécessaire Veuillez laisser aux parents le choix d’une scolarisation partielle ou dispense scolaire jusqu’aux vacances d’été avec poursuite du congé parental extraordinaire
Monsieur le Ministre,
Vendredi dernier lors de votre conférence de presse, vous avez enfin fait plusieurs déclarations concernant le retour des enfants à besoins spécifiques à l’école ou dans un Centre de compétences.
Nous étions étonnés que ces déclarations arrivent si tard, à une semaine de la rentrée, mais aussi que vous ne vous expliquiez pas sur les détails de cette rentrée.
Vos propos ne laissent que quelques jours aux parents, enseignants et enfants pour réagir, préparer la situation et/ou préparer les enfants.
Pour beaucoup de ces enfants, la rentrée doit être soigneusement préparée aussi bien sur le plan pédagogique que psychologique. Ceci vaut tant pour les enfants qui sont inscrits dans un Centre de compétence que pour ceux qui sont en inclusion.
De nombreux points restent à élucider :
· Comment va se passer le transport (CAPABS ou autre)? Beaucoup d’enfants à besoins spécifiques ne sont pas capables de mettre ou de garder un masque ou de garder les distances. Est-ce qu’un accompagnement est prévu dans ces transports ?
· Vous évoquez une rentrée « normale » avec comme auparavant le soutien de l’équipe ESEB ou de l’équipe ambulatoire. Mais ni les éducateurs de l’ESEB ni ceux de l’équipe ambulatoire ne pourront continuer à aller dans différentes écoles pour prendre en charge les enfants, parce qu’ils sont désormais affectés à une école. Beaucoup d’enfants vont se retrouver sans leur personne de référence, voire même sans aucun soutien du tout. Chaque changement du déroulement de la journée cause des perturbations difficilement à gérer pour beaucoup d’enfants à besoins spécifiques.
Mise à part la restructuration/réorganisation des écoles, salles de classes, règles sanitaires etc., ces enfants vont donc se retrouver le 25 mai sans aucun repère et privés de personne de référence, et ceci sans aucune préparation préalable.
Les enfants qui ont profité d’une scolarité mixte ne pourront plus aller à leur école de quartier, ni à la maison relais, mais doivent désormais passer toute la journée dans un centre.
Ils seront privés d’ateliers, de piscine et de certains sports. Les aires de jeux seront restreintes et en plus les thérapies seront réduites. Fini aussi la possibilité de rentrer à la maison pour le déjeuner.
Ils vont se retrouver face à un système d’enseignement frontal que beaucoup d’entre eux ne pourront pas comprendre, avec une « Frupstuut » à midi et ils seront incapables de s’adapter à ce nouveau repas. Pourquoi ne pas servir une collation chaude dans la salle de classe ?
Nous sommes bien d’accord que les élèves à besoins spécifiques doivent retourner à l’école et retrouver un rythme normal, mais sous les conditions actuelles ceci doit être organisé et préparé avec une extrême prudence.
Il y a certainement des enfants qui peuvent gérer la nouvelle situation sans problème, mais pour garantir la sécurité, la santé et un équilibre psychologique sain pour ceux qui ne sont pas capables de s’adapter aussi vite, il faut une phase d’adaptation progressive.
Quels sont vos arguments pour imposer une rentrée stricte à des enfants handicapés ?
Pourquoi ne pas prévoir une phase d’adaptation pour les enfants à besoins spécifiques qui ne peuvent pas gérer tous ces changements avec par exemple une fréquentation de quelques heures par semaine et par la suite une augmentation des heures ou bien une scolarisation partielle seulement le matin sur demande des parents. Ceci avec le but de pouvoir garantir une rentrée positive et sereine en septembre pour les enfants, mais aussi pour les professionnels.
Face au fait que beaucoup de thérapies ne pourront pas avoir lieu et que les distances à garder posent un grand problème à un bon nombre d’enfants, il faut à notre avis donner aux parents la possibilité de demander une dispense scolaire pour leurs enfants avec la poursuite du congé parental extraordinaire jusqu’à septembre 2020.
Beaucoup des enfants à besoins spécifiques ont des difficultés à se moucher, à ne pas se toucher le visage ou la bouche, à cracher en cas de toux ou à tousser dans leur coude. Compte tenu du handicap des enfants, il est fort probable que ceux-ci ne sauront pas prendre les distances recommandées et donc risqueront d’autant plus une contamination au Covid 19.
A ceci s’ajoute que la prise en charge d’un Covid-19 chez un enfant handicapé s’avèrera elle aussi beaucoup compliquée que pour une personne neurotypique : songez, d’une part, que soigner un enfant non verbal par exemple, qui ne peut donc dire où il a mal, ou qui ne comprend pas la nécessité de certains soins ou certains gestes, peut s’avérer des plus délicats et, d’autre part, que certains de ces enfants ont des comorbidités (problèmes cardiaques, rénaux, épilepsie…) et sont donc des personnes particulièrement à risques.
Dans le grand intérêt des enfants à besoins spécifiques, nous vous demandons de tenir compte de leur situation exceptionnelle et de prévoir une scolarisation facultative ou partielle à la demande des parents.
Il est tout à fait possible de faire une réunion avec les parents et leurs enfants afin d’organiser des suivis psychopédagogiques après le confinement.
Dans l'espoir que vous accorderez une suite favorable à nos propositions, veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre plus haute considération.
Martine Kirsch
présidente