Mémorial des 4 frères LÉONARD à Limerlé / Gouvy

L'exécution des quatre frères Léonard : une tragédie à l'échelle nationale !
Décembre 1944. Les Allemands surprennent les Ardennes qui viennent d’être à peine libérées. Les Américains avaient fait de la gare de Gouvy une « tête de rail », c’est-à-dire un terminus ferroviaire d’où arrivaient tout le matériel et les vivres destinés à la 106ème Div d’infanterie stationné dans le secteur de Saint-Vith. De la gare de Gouvy, le matériel était embarqué dans les camions. Le quartier dela gare possédait aussi un entrepôt de vivres de 80.000 rations et un camp de prisonniers Allemands. Gouvy ne possédait donc comme soldats que des hommes de la logistique exerçant comme manœuvres, chauffeurs ou employés. Ils appartenaient notamment à la 92ème Cie Ordonnance. Ces soldats, « très peu aguerris » venaient de recevoir le 18 décembre, pour défendre leur dépôt un maigre renfort consistant en un escadron de sept chars et en 90 hommes rescapés du 440ème Bataillon d’artillerie anti-aérienne et commandés par le lieutenant-colonel Robert O. Stone... Véritable exploit, Stone parvint à contrôler les premiers moments de panique à l’arrivée de l’avant-garde allemande et à créer en quelques heures une unité homogène de 200 hommes malgré leurs origines très diverses. Ces hommes, aidés par la résistance locale, tiendront ferme les différents accès au quartier de la gare. Le 20 décembre, le dispositif de Stone tint bon devant les deux attaques que les Allemands mènent dans la matinée puis dans l’après-midi. Cette résistance va permettre, le 21 décembre, l’évacuation des 80.000 rations contenues dans l’entrepôt et cela à destination de la 7ème Div. blindée qui avait été coupée de ses sources d’approvisionnement. Les prisonniers allemands sont évacués dans le même temps. Le 23 décembre le lieutenant- colonel Stone reçoit l’ordre de se replier.

Les jeunes frères Léonard figuraient-ils dans les résistants qui s’étaient associés à Stone pour défendre le quartier de la gare ? Vraisemblablement ! Des photos des quatre frères en présence d’autres résistants sont découvertes par les Allemands après le repli de Stone lorsqu’ils enquêtent sur la résistance très suspecte d’avoir occasionné des coupures de lignes téléphoniques entre Limerlé et Steinbach. Les Allemands ont vite fait d’arrêter à leur domicile Aimé, Armand, Hervé et José Léonard. Ils sont transférés à Limerlé où Léon Degrelle a établi son Q.G. Le sinistre chef rexiste est justement chargé, avec ses hommes, de veiller à la sécurité de la zone arrière de l’armée allemande. Il est très vraisemblable que c’est Degrelle qui donna l’ordre d’exécuter les quatre frères.

Les frères Léonard furent aperçus vivants pour la dernière fois le 6 janvier 1945. On restera sans nouvelles d’eux jusqu’au 6 mars 1946, date à laquelle un gendarme luxembourgeois découvrent en Belgique, à Gouvy, à quelques mètres de la frontière, un soulier dépasser du sol. Les fouilles découvrent rapidement les corps des quatre très jeunes résistants ayant chacun une balle dans la nuque. Un monument fut érigé à l’emplacement de cette découverte macabre en 1949 et a été restauré il y a peu. Les quatre frères reposent aujourd’hui dans le cimetière de Steinbach.

Le meurtre de cette fratrie est sans doute unique dans la Seconde guerre Mondiale. Quatre frères exécutés ensemble est une tragédie exceptionnelle qui mériterait un hommage national tout aussi exceptionnel. La tragédie surpasse celle du maquis de Graide où une autre fratrie fut décimée. Hélas, peu de Belges ont eu connaissance de ce fait de guerre car peu de livres consacrés à la bataille des Ardennes l’ont évoqué. Nul doute que s’ils avaient été des soldats, leur histoire[1] aurait connu une notoriété toute autre.

Le site : Bel-Mémorial est heureusement là pour ne pas oublier ces Belges sacrifiés. L’auteur de ce site a réalisé un travail immense et je profite de ce petit article pour le féliciter chaleureusement !

Dr P. Loodts